Rio de Janeiro
Thèmes
Le travail conduit à Rio de Janeiro dans le cadre du projet Inverses vise à analyser les jeux de pouvoirs qui traversent et structurent la requalification de la zone portuaire de la ville concernée, depuis 2009, par l’opération Porto Maravilha, coordonnée par la municipalité et mise en œuvre par le biais de plusieurs consortiums publics-privés. Deux axes d’analyse sont envisagés en vue de rendre compte de la perméabilité des jeux d’acteurs qui structurent l’opération urbaine et, plus largement, les pouvoirs dans la ville.
Le premier engage l’analyse des registres légaux et discursifs mobilisés dans le cadre d’opérations dont on observe récemment une accélération. L’enquête vise à rendre compte et à analyser le décalage observé entre la nature des discours qui accompagnent les projets et le suivi des procédures légales en matière d’intervention urbaine (des décisions publiques au sein de l’Assemblée municipale, à la communication et la consultation populaire menée par les organes de l’Etat et les consortiums chargés de l’opération). Ce décalage est à mettre en perspective avec la dynamique d’acteurs structurée autour de cette intervention, coordonnée par la municipalité de Rio, mais où se rencontrent des forces sociales contradictoires.
Le second propose d’identifier et de caractériser les acteurs engagés dans la dynamique contestataire structurée autour des opérations urbaines, ainsi que les dispositifs et les modalités selon lesquelles ils envisagent leur mobilisation. Issus ou non de la sphère des mouvements sociaux, regroupés ou non en associations de lutte contre le projet, ces acteurs (habitants, activistes, universitaires…) revendiquent à leur reconnaissance et leur légitimité à prendre part à la vie de cet espace en profonde transformation.
L’hypothèse centrale de ce travail est que l’étude de la dynamique d’acteurs tissée autour de cette opération permet d’envisager le caractère perméable et fluctuant des jeux de pouvoirs dans la ville. Invoquée par tous, l’urgence (de la mise en œuvre ou de la résistance face à l’opération) donne à voir les formes selon lesquelles se tissent les pouvoirs urbains, à la fois dans une permanente recomposition des rôles et des stratégies individuelles et collectives, et dans une imbrication entre logiques formelles et informelles: seront ainsi analysés successivement les rumeurs, paroles et discours publics, arrangements et contrats tacites, qui révèlent le caractère mouvant des associations et des coalitions, des jeux de pouvoirs qui structurent l’opération urbaine.
L’enquête, menée dans le contexte spatial du périmètre d’intervention de l’opération Porto Maravilha, intéresse plus précisément deux espaces au sein desquels les transformations à l’œuvre donnent lieu à de vives tensions autour de l’appropriation du projet urbain ou au contraire de sa remise en cause : d’une part, la favela Morro da Providência, seule favela située au sein du périmètre d’intervention de l’opération Porto Maravilha, en prise avec le projet Morar Carioca ; d’autre part, le Morro da Conceiçao, quartier d’habitat populaire revendiqué au titre de la protection patrimoniale des quilombos, quartiers d’occupation d’esclaves émancipés.
Les projets à l’œuvre dans ces deux quartiers, outre de soumettre les habitants à l’exigence de reconsidérer leurs modalités d’identification et d’appropriation à leur espace, conduisent à reconfigurer les formes et les modalités de l’exercice et du maintien du pouvoir urbain. Pour chacun des espaces, il s’agira d’explorer de quelle manière se tissent ces relations, sur quelles formes de pouvoirs elles reposent et de quelle manière elles tendent, selon les cas, à affirmer les pouvoirs informels, à s’y soumettre ou à tenter de les remettre en cause.
Partenaire
Rafael Soares Gonçalves
Laboratorio de Estudos Urbanos e Socioambientais (LEUS), Pontíficia Universidade Católica do Rio de Janeiro