Résumé : Cette contribution propose, à partir d’une étude empirique traitant de la mise en marché de l’incinération des déchets en Sicile au cours de la décennie 2000, une analyse des pratiques officieuses dans les processus décisionnels au niveau de l’État, et de la manière dont l’idée de bien commun peut être instrumentalisée et confisquée à des fins privatives par les dépositaires du pouvoir. Sur la base des éléments recueillis au cours de l’enquête, qui laissent apparaître une entente en cartel entre les entreprises adjudicataires avec la complicité de responsables politiques et administratifs régionaux, nous faisons l’hypothèse d’une privatisation de l’État au sens d’appropriation et de détournement par des acteurs publics de la symbolique étatique et de l’appareil administratif à des fins privatives. La fiction du bien commun et la parole d’État sont utilisées pour que des intérêts individuels deviennent les intérêts de l’État. Cette appropriation personnelle de l’institution étatique crée une situation de dédoublement politique entre un registre formel et un registre informel ; c’est dans ce dédoublement que s’élabore l’action publique et se construit l’État au quotidien. L’accent sera particulièrement mis sur la manière dont le droit est mobilisé pour mettre en œuvre des transactions informelles dans un espace social où les décisions des autorités et des administrations sont soumises à des procédures de publicisation et de contrôle.
Mots-clefs : trafic d’influence ; marché public ; Etat ; privatisation ; Déchets ; Sicile.